athéisme

 

 

MONDIAL DE L'ATHEISME


1548 –1600. Prophète de la pensée future

Contexte historique
Le rôle de l'église
La vie de Giordano Bruno
Bibliographie






CONTEXTE HISTORIQUE

La Révolution Scientifique et Philosophique de la Renaissance

1454 : Invention de l'Imprimerie à caractères mobiles, elle prend son essor en Europe. 

L’imprimerie en vulgarisant la lecture de la Bible par les profanes sera la cause directe des premières grandes contestations de l’enseignement donné par l’église catholique Romaine. Elle permettra de faire circuler les idées nouvelles.   Un siècle plus tard l’église en tirait les leçons : on trouve dans un document rédigé en 1550 par les cardinaux réunis pour l’élection du pape GUILLO III, les conseils suivants :

 « La lecture de l’Evangile doit être permise le moins possible spécialement en langues modernes et seulement dans les pays soumis à notre autorité.  

Le peu qui est lu et généralement à la messe devrait suffire et il devrait être défendu à quiconque d’en lire plus.

Tant que le peuple se contentera de ce peu, vos intérêts prospéreront, mais sitôt qu’il voudra en lire davantage, vos intérêts commenceront à souffrir »

 ( Ce document est conservé à la bibliothèque nationale de Paris )

1532 : L’église Anglicane se sépare de Rome au prétexte que le Pape refuse d’annuler le mariage du roi Henry VIII.

Vers 1530-1550 :  Sous l’impulsion des réformateurs ( Luther en Allemagne et Calvin en France puis en Suisse ) qui veulent restaurer l’autorité de la Bible dans l’église protestante naissante.

La Renaissance est un phénomène européen parti d'Italie. Rejetant le Moyen Age comme une période d'obscurantisme, elle voue un culte passionné à l'antiquité grecque et latine, qui lui semble l'âge d'or des arts et de la pensée. Les artistes puisent leur inspiration dans les chef-d’œuvres antiques et pratiquent ouvertement l'imitation. Cette inspiration va s'avérer féconde puisqu'elle va engendrer un art nouveau.

Au XVIe siècle, le schéma cosmologique de Ptolémée (v.100-v.170) et d'Aristote (384-322) reste dominant  : le monde est clos et sphérique. En son centre se trouve la Terre, autour de laquelle évoluent les planètes et le Soleil.

Nicolas Copernic : Né le 19 février 1473 à Torun en Pologne

En 1507 et 1515 il fonda l'astronomie héliocentrique puis en 1512 à Frauenburg il écrivit ‘‘Révolutions des sphères célestes’’.

Sa représentation de l'univers établit l'hypothèse que le soleil est immobile et que la terre et les autres planètes tournent sur elles même et autour de lui.

En rompant avec la conception géocentrique du monde, l’œuvre de Copernic a marqué un tournant dans l'histoire de la pensée et du progrès scientifique.

L'héliocentrisme rencontre de nombreuses résistances, notamment celle de l'église qui situe l'homme au centre de l'univers.

Galileo Galilei, dit Galilée  : Né près de Pise le 15 février 1564

La thèse de Copernic est compatible avec la théorie de la marée de Galilée reposant sur les mouvements de la terre.

1609 il invente le télescope en astronomie ( emploi de la lunette ) avec lequel il découvre les cratères et les montagnes de la lune, les 4 plus grands satellites de Jupiter et constate que la voie lactée est faite d'étoiles.

1610 Galilée observe les phases de Vénus et s'affirme contre la théorie de Ptolémée.

1616 il est en froid avec l'église car il dit avec conviction que la terre est ronde et mobile, il s'appuie sur la pratique, les mesures précises plutôt que sur la logique. Il élabore la méthode de détermination de la latitude et de la longitude en mer.




LE ROLE DE L'EGLISE

Jusqu'au XVIième siècle, l'église plaçait la Terre au centre de l'univers et déclarait qu’elle avait été  placée ainsi par la volonté d’un ‘‘Dieu’’.

Copernic, Galilée, mais aussi le Dominicain Giordano Bruno, le cardinal  Robert Bellarmin, Jésuite présidant le Tribunal de l'Inquisition et le Pape sont au cœur d'un immense jeu d'influence à l'intérieur même de l'église.

D'un côté, il y a les tenants de la tradition immuable ; de l'autre, les humanistes, bienveillants à l’égard des possibilités de l'esprit humain et partisans du progrès des connaissances.

Une révolution est en cours : l'apparition de la science moderne, fondée non plus sur des réflexions théoriques, quasi philosophiques, mais sur l'observation, l'expérience.

L’église catholique Romaine se sentant attaquée sur deux fronts estime qu’il est temps pour elle de réagir l'époque d’une vigoureuse ‘‘reprise en main’’ débute. 

L'église oppose une contre-réforme à sa rivale protestante et met sous tutelle les sciences et les idées nouvelles.

Faute d'accepter les nouvelles connaissances, l'église s’enfonce dans une impasse : la rupture entre le monde de l'intelligence et celui de la foi, rupture nettement apparente.

Voulant à tout prix imposer son point de vue, elle se lancera alorsavec virulence pendant au moins 5 siècles  ! dans l’emploi d’une arme redoutable : ‘‘l’Inquisition’’ !

L’Inquisition

Elle fut instaurée en 1231 par le pape Grégoire XI pour lutter contre les hérésies cathare et vaudoise.  3 siècles plus tard son successeur Paul III organisa, en 1542, la ‘‘Sainte Congrégation de l'Inquisition Romaine et Universelle’’ en réunissant les divers tribunaux d'Inquisition.

Et depuis, jamais la hiérarchie de l’église n’a véritablement aboli cette ‘‘Sainte’’ institution.  Elle s’est contenté à partir du XXième siècle seulement de changer son intitulé, la nommant en 1908 ‘‘le Saint-Office’’ puis, en 1965, ‘‘la Sainte Congrégation pour la Doctrine et la Foi’’.

D’ailleurs, aujourd’hui encore l’église lutte contre ‘‘les hérétiques’’ : le pape Jean-Paul II a décidé récemment de suspendre ‘‘A Divinis’’ 2 théologiens allemands qui entendaient rouvrir le débatl’un sur ‘‘l’infaillibilité du Pape’’, l’autre sur ‘‘l’immaculée conception de Marie’’.




LA VIE DE GIORDANO BRUNO

Le Dominicain ‘‘Frère Bruno’’, de 1548 à 1576

Né en janvier 1548 à Nola, paisible bourgade proche de Naples, Filippo Bruno est fils de gentilshommes sans titre et aux revenus modestes.  L'école la plus proche du village lui donne une instruction imprégnée d'un humanisme qui met l'accent sur les auteurs classiques, l'étude de la langue et de la grammaire latine.  Cet enseignement le marquera tout autant que le pédantisme qui l'accompagne et le rebute.  A 14 ans, il part pour Naples où il rejoint l'université publique.  Parallèlement, des cours particuliers le mettent au cœur des débats philosophiques entre platoniciens et aristotéliciens.  Dès cette époque, il découvre la mnémotechnique et cet art de la mémoire, alors en vogue, constituera rapidement l'une de ses disciplines favorites.

A cette première strate humaniste et philosophique vient se superposer une couche théologique déterminante.  Le 15 juin 1565, Filippo rentre chez les Frères prêcheurs de San Domenico Maggiore.  Ce choix semble motivé par le prestige de couvent dominicain qui attribue des titres incontestés et réputés dans toute l'Italie.  C'est aussi un précieux refuge en ces temps troublés par des disettes et des épidémies.  Pendant dix ans, Bruno qui a adopté le prénom de Giordano en hommage à un de ses maître en métaphysique ( Giordano Crispo ) lie sa vie aux dominicains, digère une culture dogmatique et pluridisciplinaire ( philosophie naturelle, dialectique, rhétorique, métaphysique... ). Sa trajectoire parait conforme à la devise dominicaine d'une verba et exempla      ( par le verbe et par l'exemple ).  Il devient prêtre en 1573.  Lecteur en théologie en juillet 1575, il soutient avec succès une thèse sur certains aspects des pensées de Thomas d'Aquin et de Pierre Lombard.  Pourtant, les indices d'une rupture qui va très vite arriver sont perceptibles.

En réalité, Bruno dissimule un esprit rebelle au carcan théologique et il a le goût du vagabondage vers les sentiers peu orthodoxes.  Sa curiosité vorace ne cesse de croître et de gagner en éclectisme.  Il se nourrit abondamment des oeuvres d'Érasme, humaniste considéré comme hérétique depuis 1559.  Il affiche des goûts pour l'hermétisme, la magie et débute une passion pour la cosmologie détachée de l'approche théologique.  Dès sa première année de noviciat, il avait été accusé de profanation du culte de Marie.  Il finit par se heurter à la hiérarchie sur les questions du dogme de la Trinité qu'il repousse.  Une instruction est menée contre lui afin de le déclarer hérétique. Bruno devance la sentence : il abandonne le froc dominicain et fuit Naples en février 1576. Cette apostasie jette Bruno dans une vie aventureuse où la précarité matérielle le dispute à la brièveté des séjours.

Sa longue errance de 1576 à 1592   

Pendant quinze années, sa vie exprime un raccourci saisissant et métaphorique : les louvoiements du parcours d'une pensée ample et aux coudées franches.  Aux sinuosités de son esprit répondent des errances multiples dans toute une partie de l'Europe.

De 1576 à 1578, il cherche à se maintenir en Italie au prix de changements incessants imposés par sa condition d'apostat tout autant que par son originalité croissante.  Gênes, Noli, Savone, Turin, Venise, Padoue, Brescia, Naples... Bruno vit difficilement de leçons de grammaire ou d'astronomie, parvient tout de même à faire publier à Venise un premier ouvrage dont il ne reste rien d'autre que le titre, ‘‘Des signes des temps’’.  Il finit par s'exiler, se rend à Chambéry, puis à Genève où il espère rencontrer un havre de paix.  L'antre calviniste le séduit temporairement : il est intégré dans la communauté évangélique italienne du marquis de Vico, le froc dominicain est définitivement abandonné, il assiste aux prédications, s'inscrit dans plusieurs académies...  Finirait-il par se rallier à la cause calviniste ?  Le voilà de nouveau en conflit avec la hiérarchie dont il conteste la compétence d'un des membres.  Le 6 août 1578, il est arrêté et excommunié.  Deuxième exclusion d'une communauté religieuse  !

Bruno n'en restera pas là.  Il repart : Lyon, Toulouse... Cette ville sous le joug du dogmatisme catholique sévère le tolère pendant deux ans.  Il réussit à enseigner la physique, les mathématiques.

Un ouvrage sur la mnémotechnique, ‘‘Clavis Magna’’ le fait connaître d'Henri III.  Le roi, épaté par les dispositions de sa mémoire abyssale, le convoque à Paris et se fait son protecteur.  La vie de Bruno connaît alors une forme d'âge d'or.  Cinq années exceptionnellement stables ( jusqu'en 1583 ) le voient figurer parmi les philosophes attitrés de la cour.   Il enseigne au Collège des lecteurs royaux   ( le Collège de France ), s'adonne aux développements de sa pensée.  Face aux tensions religieuses du moment, il adopte une position tolérante, renvoyant dos à dos les extrémismes des protestants et des ligueurs.  En 1582, ‘‘Le Chandelier’’, comédie satirique féroce à l'égard des mentalités de son temps, confirme son talent protéiforme et révèle un vrai style d'écrivain, original et vivant, lyrique et ironique, amoureux d'images frappantes, raffinées ou brutales. 

 En avril 1583, muni d'une recommandation royale, Bruno se rend en Angleterre, à Londres puis à Oxford.  L'accueil qu’on lui réserve est empreint d’hostilité.  Sa réputation est brillante, mais sulfureuse.  Il ne la démentira pas : l'exposé de ses idées malmène l'opinion anglicane, essuie de nombreuses critiques, suscite des disputes passionnées.  Déterminé à triompher, juché sur son orgueil de penseur qui connaît sa valeur et juge non sans morgue celle de ses contradicteurs, Bruno consacre deux années à répliquer par la plume.  Deux années qui posent Bruno comme un philosophe, théologien et scientifique puissant, novateur, impertinent en diable.  En 1584 paraissent 3 de ses œuvres :‘‘Le banquet des cendres’’, ‘‘La cause, le principe et l'un’’, ‘‘De l'infini, l'univers et les mondes’’.

Ces ouvrages exposent notamment une vision cosmographique sublime et audacieuse, révolutionnaire, quasi visionnaire.  Il enfonce la vieille conception toujours régnante du géocentrisme, soutient la représentation copernicienne du monde... tout en la dépassant : l'univers est infini, peuplé d'une multiplicité de mondes analogues au nôtre.  En concevant un monde ouvert, Bruno accomplit un saut dans l'Immensité.  La force de la logique de son intuition en fait un précurseur de Kepler et de l'astronomie moderne.  Mais Bruno reste ancré dans son époque, mêlant à ses fulgurances des credo hermétiques, magiques et animistes : la vie anime des planètes soucieuses d'exposer leurs faces au soleil, la matière possède une âme sensible et rationnelle...

En 1585, trois nouveaux ouvrages approfondissent et poursuivent ses audaces. ‘‘L'expulsion de la bête triomphante’’ règle au nom d'un activisme humaniste le compte des attitudes calvinistes et catholiques... ‘‘La cabale du cheval de Pégase’’ est un opuscule satirique qui démolit méthodiquement l'édifice aristotélicien, vénérable référence depuis des siècles. Enfin, ‘‘Les fureurs héroïques’’ entérinent l'idée d'un monde qui n'a plus de centre... et Dieu plus de lieu.  

De retour à Paris, Bruno voit sa position se détériorer.  Le roi ne peut plus guère se risquer à défendre un ‘‘hérétique’’ du savoir alors que les querelles religieuses se durcissent.  Bruno est isolé par une sombre affaire qui l'oppose à Mordente, géomètre soutenu par les ligueurs, qui l'accuse de s'attribuer la paternité du compas différentiel.  Un nouvel exil conduit le fougueux penseur en Allemagne.  En juin 1586, l'université de Marburg puis Wittenberg l'accueillent.  Il se fixe pendant deux ans... le temps de heurter une nouvelle fois encore la hiérarchie  !

A l'automne 1588, Giordano Bruno apprend son excommunication, proclamée cette fois-ci par le pasteur de l'église luthérienne  !

Sa mise au ban rapide l'oblige à reprendre la route.  Helmstedt, Francfort.  Dans l'intervalle, sa production ne faiblit pas, tisonnée par le feu des polémiques et des errances successives.  La ‘‘Trilogie de Francfort’’ témoigne de sa volonté d'ordonner sa pensée. ‘‘De immenso’’ réexamine les fondements de sa cosmographie. ‘‘De monade’’ mène une réflexion magique où le rapport organique entre les nombres et les figures géométriques est affirmé. ‘‘De minimo’’ esquisse de saisissants développements sur l'infiniment petit qui annoncent les réflexions à venir sur l'atome. Son dernier ouvrage, paru en 1591 ( ‘‘De la composition des images, des signes et des idées’’ ) expose un système mnémotechnique incroyablement sophistiqué.

Mnémonique et hermétisme

Doué d'une mémoire prodigieuse qui lui permet, dit-on, de réciter 7000 passages de la Bible ou encore 1000 poèmes d'Ovide, le philosophe est volontiers reçu chez les princes d'Europe où il donne libre cours à son penchant pour la libre discussion.

Il est l’auteur de deux livres qui décrivent une méthode de mémorisation.  Ces livres ont donné lieu à de nombreuses interprétations et polémiques.

Il s’agissait de mémoriser une succession de lieux dans un édifice, et d’attacher ainsi à la série de lieux mémorisés des images destinées à rappeler les points d’un discours.  En prononçant son discours l’orateur se promenait dans son imagination le long des endroits qu’il avait mémorisé, cueillant au passage les images qui lui rappelaient les figures de son discours.

Le système mnémonique topographique ne se limitait pas aux seuls édifices mais pouvait associer le zodiaque ou l’ordre cosmique lui même.  L’expérience qui consiste à faire refléter l’univers dans son esprit est à l’origine de la mémoire magique du Moyen Age.  En utilisant les images magiques ou talismaniques comme images mnémoniques, le mage espérait acquérir la connaissance universelle ainsi que des pouvoirs, accordés en quelque sorte, aux pouvoirs du cosmos.

Cette imagerie est l’occasion de décrire le nouveau système copernicien mais laisse également penser que Giordano Bruno s’engage dans la voie de l’hermétisme et de la magie.

Le dominicain Giordano Bruno, apparaît comme un philosophe et un mage hermétisant, porteur d'un message religieux original.  Le soutien qu'il apporta à l'héliocentrisme copernicien est associé à la magie solaire de Ficin.

La pluralité des mondes

Bruno défend avec vigueur la thèse copernicienne de l'héliocentrisme publiées en 1543. Il détruit les limites trop étroites dans lesquelles la religion chrétienne enfermait l'univers et va même au-delà en affirmant l'existence d'une infinité de monde habités.

Il conçoit une pluralité de mondes analogues au nôtre dans un univers qui n'aurait pas été créé mais aurait existé de toute éternité.  Cette conception s'oppose de front à la théologie chrétienne.

Il eut le courage de maintenir sa vision d’un cosmos infini malgré les interrogatoires et la torture, ce qui fit de lui le symbole de la pensée laïque contre le dogmatisme de l’Inquisition.

Bruno imagine un univers infini dont Dieu serait l'âme.

D'une humeur combative et enclin à la polémique, il se met à dos la plupart des théologiens et des penseurs de son temps.

Giordano Bruno publie ses idées en 1584, en italien et en latin, dans un ouvrage intitulé : ‘‘De l'infini, de l'univers et des mondes’’.

Il est l'ardent propagandiste d'un univers infini, de la pluralité des mondes et du vitalisme cosmique :

« Persévère, cher Filoteo, persévère ; ne te décourage pas et ne recule pas parce qu'avec le secours de multiples machinations et artifices le grand et solennel sénat de la sotte ignorance menace et tente de détruire ta divine entreprise et ton grandiose travail.  () Et parce que dans la pensée de tout un chacun se trouve une certaine sainteté naturelle, sise dans le haut tribunal de l'intellect qui exerce le jugement du bien et du mal, de la lumière et des ténèbres, il adviendra que des réflexions particulières de chacun naîtront pour ton procès des témoins et des défenseurs très fidèles et intègres.  () Fais-nous encore connaître ce qu'est vraiment le ciel, ce que sont vraiment les planètes et tous les astres ; comment les mondes infinis sont distincts les uns des autres ; comment un tel effet infini n'est pas impossible mais nécessaire ; comment un tel effet infini convient à la cause infinie ; quelle est la vraie substance, matière, acte et efficience du tout ; comment toutes les choses sensibles et composées sont formées des mêmes principes et éléments.  Apporte nous la connaissance de l'univers infini.  Déchire les surfaces concaves et convexes qui terminent au dedans et au dehors tant d'éléments et de cieux.  Jette le ridicule sur les orbes déférents et les étoiles fixes.  Brise et jette à terre, dans le grondement et le tourbillon de tes arguments vigoureux, ce que le peuple aveugle considère comme les murailles adamantines du premier mobile et du dernier convexe.  Que soit détruite la position centrale accordée en propre et uniquement à cette Terre.  Supprime la vulgaire croyance en la quintessence.  Donne-nous la science de l'équivalence de la composition de notre astre et monde avec celle de tous les astres et mondes que nous pouvons voir.  Qu'avec ses phases successives et ordonnées, chacun des grands et spacieux mondes infinis nourrisse équitablement d'autres mondes infinis de moindre importance.  Annule les moteurs extrinsèques, en même temps que les limites de ces cieux.  Ouvre nous la porte par laquelle nous voyons que cet astre ne diffère pas des autres.  Montre que la consistance des autres mondes dans l'éther est pareille à celle de celui-ci.  Fais clairement entendre que le mouvement de tous provient de l'âme intérieure, afin qu'à la lumière d'une telle contemplation, nous progressions à pas plus sûrs dans la connaissance de la nature. » ( De l'infini, de l'univers et des mondes )

Le Banquet des Cendres

‘‘Le Banquet des Cendres’’ est le premier des trois grands dialogues métaphysiques de Giordano Bruno, dans lequel il expose, contre les partisans d’Aristote et de Ptolémée, et par-delà Copernic, ses conceptions cosmologiques.  S’il défend l’hypothèse copernicienne au cours d’un banquet organisé ‘‘en son honneur’’ par les docteurs anglais le 14 février 1584, jour des Cendres, c’est surtout pour dénoncer la pédanterie et l’obscurantisme desdits docteurs, et c’est avant tout parce qu’il est le Bruno ‘‘inventeur de philosophies nouvelles’’.

Aujourd'hui encore l'église se défend : elle ne l’a pas condamné pour ses vues cosmologiques, mais bien pour ses positions hérétiques, dit-elle comme si les deux pouvaient être séparées, et comme si les secondes justifiaient mieux le bûcher que les premières  !

C'est d'ailleurs moins l'hétérodoxie de ses opinions que sa capacité à en changer qui furent insupportables aux institutions religieuses.  Plus relativiste que sceptique, Bruno écrit en 1588, anticipant de près de deux siècles sur la tolérance des Lumières, que sa propre religion « est celle de la coexistence pacifique des religions, fondée sur la règle unique de l'entente mutuelle et de la liberté de discussion réciproque ».  Bruno, s'il fait confiance à la raison « de tout un chacun », méprise les doctes.

Giordano Bruno et la sexualité

Le désir de libération des mœurs, en particulier sexuels, est l’une des composantes qui explique la montée de l’athéisme au XVIième siècle.  Les athées et les hétérodoxes se sont faits les défenseurs d’un amour naturel, débarrassé des interdits religieux.

Le soupçon d’athéisme est alors répandu et nombreuses sont les victimes condamnées simplement à cause de la réputation d’homosexuels qu’on leurs attribue ( c’est le cas de Giordano Bruno ).  Les autorités religieuses font souvent un lien entre la sodomie et l’athéisme.  Cet amalgame est compréhensible du point de vu des accusateurs : à leurs yeux, celui qui nie la vérité fondamentale, l’existence de dieu, abandonne toute valeur absolue, renonce à l’ordre divin du monde qui est à la fois cosmique, moral et intellectuel et donc, il retourne au chaos  !   Il semble que pour tous ces fondamentalistes chaque situation, sexuelle ou autre, relève du chaosdès lors qu’elle est minoritaire.

L’athéisme théorique de la renaissance est un des éléments d’une révolte plus générale de l’esprit contre le carcan étouffant des dogmes religieux catholiques, une revendication de liberté globale face aux pouvoirs civils aussi bien que religieux, une rébellion contre les interdits sexuels.

Bruno  l’Insupportable  !

Il aurait pu mener la vie facile d'un érudit de cette époque, s'il n'avait été de ceux qui font passer leurs convictions avant leur intérêt.  Son esprit d'indépendance et un fort sentiment de révolte devant les abus de l'église le poussent à rompre avec l’ordre dominicain ( 1576 ).  Il doit fuir Naples, puis Rome, pour échapper à l'Inquisition.  Commencent alors des années d'errance : à Genève, puis en France, en Angleterre, en Allemagne et à Prague.  Egalement excommunié par les calvinistes et les luthériens, il est plus d'une fois forcé de fuir en plein débat de peur de se faire lapider en place publique.  D'une âme ‘‘chargée d'humeur’’ et d'un orgueil dont la démesure n'a d'égal que son inflexibilité qui le rend prompt à la colère : partout on le rejette ou on le traque.

En fait, Bruno en dérange plus d'un avec ses folles idées : atomiste convaincu, il se pose surtout en fervent défenseur de l'héliocentrisme de Copernic.  Il raconte ( à qui veut l'entendre ) que la Terre tourne sur elle-même, qu'elle n'est pas le centre du monde, que la Voie Lactée est de nature stellaire et que le Soleil n'est que l'une de ces étoiles, que le monde est ‘‘un infini réservoir d'innombrables mondes pareils au nôtre’’… Trente ans avant Galilée, sans lunette, avec pour seul équipement un jugement non imprégné des grand dogmes de son époque, Giordano pressent l'infini

Sans amabilité ni délicatesse, il déclame:

« Le Christ ? Un séducteur.

La virginité de Marie ? Une aberration.

La messe ? Un blasphème.

La bible ? Un tissu de mensonges.

Les théologiens ? Des pédants qui ‘‘froncent le sourcil’’ pour se donner l'air important.

Les philosophes ? Des pédagogues ignorants aveuglés par le culte des idéologies, () tous des ‘‘ânes bâtés’’ qui passent leur vie à gâcher tous les arguments qui leur viennent aux lèvres () pendant que lui, ‘‘intrépide chevalier errant du Savoir’’, part en guerre contre les fausses certitudes

Non, les femmes ne sont pas moins intelligentes que les hommes.  Non, les gens d'église ne devraient pas jouir de si grands biens mais se contenter d'un peu de bouillon ; non, les Espagnols n'ont pas bien fait de découvrir l'Amérique, car ils ont ‘‘violé la vie d'autrui’’.

Bruno s'époumone, s'agite, tente de convaincre, puis, lorsqu'il ne trouve plus d'auditoire, se met à écrire.  La plume, entre ses mains, n'a pas plus de prévenance que la langue.  Se suivent ainsi : une comédie burlesque, des traités de magie, de mnémotechnie et surtout des ouvrages philosophiques.

Le fond de ses idées :

Bruno n'était pas athée : dans ‘‘l'Immenso’’, Bruno écrit : « Dieu est infini dans l'infini, partout en toutes choses, non au dessus ni en dehors d'elles, mais absolument inhérent à elles ».  Tous les aspects de la philosophie de Bruno ( gnoséologie, métaphysique, physique, cosmologie, morale ) se répondent en vertu de l'omniprésence de l'Un.  Il substitue à Dieu le concept de l’infini.

Bruno était empreint d'hermétisme : dans ‘‘Des fureurs héroïques’’, Bruno est très clair : « les mages peuvent faire plus au moyen de la foi que les médecins par les voies de la liberté ».  Cet infléchissement de la pensée de Bruno vers l'hermétisme correspond à un approfondissement plus qu'à un tournant et est attribué à son séjour en Allemagne.  Dans ‘‘De Magia’’, Bruno s'intéresse à la magie en la séparant bien de ses réductions religieuses ( confusion entre sorcellerie et hérésie ).

Evoquant des ‘‘souvenirs’’, Bruno explique avoir été confronté à des démons : « j'en ai fait moi même l'expérience ( comme beaucoup ) en passant dans ces parages la nuit, où je fus la cible d'une grêle de pierres (...) ».  On pourrait multiplier les citations de ce type qui rattachent la pensée du Nolain à l'hermétisme, à la kabbale et à l'inspiration magique.

Bruno considérait probablement la magie comme un moyen d'atteindre cette connaissance de l'Un et il a cherché à l'utiliser dans ce but, exactement comme il a cherché des réponses à ses questions dans les théories coperniciennes.

Bruno s'est intéressé profondément à l'hermétisme. Les historiens restent cependant partagés quant au crédit qu'il y accordait réellement.

Bruno n'a compris ni Copernic ni l'importance des mathématiques : Bruno reconnaît en Copernic l'astronome le plus important de l'Histoire.  Mais, dans le ‘‘Banquet des Cendres’’, il lui reproche de mathématiser ( de modéliser ) la nature : « plus porté à étudier la mathématique que la nature, il n'a pu aller assez profond ni assez avant pour déraciner entièrement certains inconvénients et vains principes... ». C'est ce rejet de la mathématisation qui est sans doute à l'origine de l'incompréhension des thèses coperniciennes chez Bruno.  Il n'a probablement pas vraiment compris les tenants et les aboutissants de la pensée de Copernic.  Il considère que la terre et la lune se déplacent sur le même épicycle, ainsi que Mercure et Vénus. Il persiste dans son erreur dans ‘‘l'Immenso’’.

En fait, les théories coperniciennes ne constituent qu'un outil pour Bruno : elles lui permettent de déverrouiller les systèmes d'Aristote et de Ptolémée, ce qui explique bien pourquoi il a pu prendre tant de libertés vis-à-vis de la pensée de Copernic.  L'important pour lui comme aussi pour l’accroissement de la connaissance humaine, c’était d'aller vers la découverte d'un univers infini.

La trahison de Mocenigo :

Après plus d'une quinzaine d'années d'errance et la venue d'une Nième expulsion, il décide, en 1591, de rentrer en Italie.

Il s'installe chez Giovanni Mocenigo, patricien vénitien qui l'a invité à lui enseigner la mnémotechnique, la géométrie et l'art d'inventer.  Vite déçu, Bruno veut repartir et froisse Mocenigo, déjà heurté par la vie peu orthodoxe du philosophe.  Il le retient prisonnier puis le livre à l'Inquisition ( mai 1592 ).

Le 23 mai 1592, Bruno est arrêté et emprisonné, il se retrouve seul face au ‘‘Saint-Office’’.

Le tribunal de l'Inquisition se donnait comme mission de démasquer les hérétiques pour les faire abjurer.  Le procès pouvait durer longtemps, il dura huit ans dans le cas de Giordano Bruno.  Pour lui, ce ne seront pas des faits de sorcellerie ou d'antichristianisme qui le conduiront au bûcher, mais plutôt sa certitude que l'Univers est infini et qu’ailleurs d’autres êtres vivants existent.

Procès d'un Apostat magnifique ( 1592-1600 )

Le premier acte d'accusation se soucie surtout de ses positions théologiques considérées comme hérétiques : on évoque sa pensée antidogmatique, le rejet de la transsubstantiation et de la trinité, son blasphème contre le Christ, sa négation de la virginité de Marie...  Mais ses activités philosophiques et scientifiques sont déjà relevées : sa pratique de l'art divinatoire, sa croyance en la métempsycose et surtout sa vision cosmologique sont mentionnées.  Au fur et à mesure que le procès durera, l'acte d'accusation ne cessera d'enfler jusqu'à résumer la vie entière d'un esprit à la quête trop librement et orgueilleusement assumée.

Dans un premier temps, Bruno se défend habilement, jouant à l'occasion la comédie du repentir mais uniquement sur des ‘‘erreurs minimes’’.  Mais son passé d'apostat le rattrape et Rome obtient son extradition.  En 1593, dix nouveaux chefs d'accusation entraînent Bruno dans sept années d'un procès interminable ponctué par une vingtaine d'interrogatoires menés par le cardinal Bellarmin.  On lui administre la torture.  Il lui arrive de lâcher du lest, d'esquisser un geste de rétractation... avant de se reprendre.  Désireux d'en finir, le pape Clément VIII somme une dernière fois Bruno de se soumettre.  L'entêté réplique : « Je ne crains rien et je ne rétracte rien, il n'y a rien à rétracter et je ne sais pas ce que j'aurais à rétracter ».  La situation est bloquée.  Le 20 janvier 1600, Clément VIII ordonne au tribunal de l'Inquisition de prononcer son jugement.  A la lecture de sa condamnation au bûcher, Bruno a commenté la sentence prononcée contre lui avec un courage peu ordinaire, nous citerons ses exacts propos un peu plus loin.

Des existences comme celle de Bruno paraissent chargées de sens aux yeux des vivants qui ont la tentation de se les approprier.  Mais les épitaphes les meilleurs sont parfois rédigées par les morts eux-mêmes : « C'est donc vers l'air que je déploie mes ailes confiantes.  Ne craignant nul obstacle, ni de cristal, ni de verre, je fends les cieux, et m'érige à l'infini.  Et tandis que de ce globe je m'élève vers d'autres cieux et pénètre au-delà par le champ éthéré, je laisse derrière moi ce que d'autres voient de loin ».

Le Procès

Lors de son procès on dit qu'il conserva toute son insolence : ‘‘Vous avez certainement plus peur en prononçant cette sentence que moi en l'écoutant  ! ’’, aurait-il tonné devant ses juges.

La condamnation du philosophe comme ‘‘hérétique’’, sur ordre du pape Clément VIII, met un terme brutal à la vie de pérégrinations, de disputes et de tourments de cet être d’exception.  Elle est représentative de l'intolérance et des excès idéologiques, dans le camp catholique comme aussi dans le camp réformé, en cette époque des guerres de religion et de la fin de la Renaissance.

Le 8 février 1600, après sept années de procès, d'incarcération et de tortures aux cours desquelles il a toujours refusé d'abjurer ses convictions, le ‘‘Saint-Office’’ le chasse de l'église comme ‘‘hérétique impénitent’’ et le remet à une cour séculière qui le condamne à mort.

Le Supplice :

Au petit matin du 17 février 1600, il y a quatre siècles, à Rome, sur le Campo de’ Fiori, Giordano Bruno monte au bûcher, sur ordre du pape.

On le ligote au poteau du bûcher de l'Inquisition.  Défiant encore l'autorité, il détourne son regard du crucifix qu'on lui présente.

L'homme est attaché nu au poteau du bûcher.  Il a cinquante-deux ans.  La foule l'entoure.

On fixe le mors de bois destiné à l'empêcher de parler, de hurler une dernière fois, afin de lui interdire matériellement de crier une fois de plus sa révolte et sa conviction.

Sur le bûcher, Giordano Bruno a peut-être tourné son regard vers le ciel, ce ciel qu'il décrivait infini et multiple... désormais voilé par la fumée des flammes qui montent vers lui.

Le bûcher consume ce corps qui n'a cessé de rire, de penser, de s'émouvoir et de provoquer.

Giordano Bruno n'a pas cédé devant l'Inquisition.  Il n'a rien abjuré de sa vision du monde.

Son crime : avoir eu, avant Galilée, Leibniz, Einstein ou Mendeleïev, l'intuition géniale de ce qui est devenu la théorie générale de l'Univers, la relativité, la chimie, la génétique, etc.

Bruno incarna le combat de la conscience contre le dogmatisme.  Après les hérétiques et les sorcières, on promit au bûcher les livres jugés impies.  Tous les livres écrits par Bruno, que les juges purent trouver furent brûlés place Saint-Pierre.

Le martyre du philosophe vagabond, chercheur oublié, discrédité par l'église, est le symbole de tous les crimes contre l'esprit .

Ce visionnaire de la pluralité des mondes inflexible et sulfureux, trois fois excommunié, continue d'incarner, quatre cents ans plus tard, la résistance à tous les dogmes .

Les pierres du Souvenir

Le 17 février 1907, pour le 307ième anniversaire du supplice de Giordano Bruno, une procession aux accents fortement anticléricaux noircit le Campo de’ Fiori à Rome, devant la statue d'Ettore Ferrari, érigée le 9 juillet 1889 à la gloire du philosophe Nolain.  C’est en ce lieu qu’un grand rassemblement de tous les athéistes est programmé le 13 décembre 2004.

Une plaque de pierre gravée placée sur l'hôpital d'Orbetello, une petite ville du sud de la Toscane est dédicacée à la mémoire de :  « GIORDANO BRUNO, philosophe et martyr, qui aux temps de la tyrannie sacerdotale, du féodalisme et de l'assujettissement, a élevé sa foi jusqu'aux manifestations les plus élevées de la conviction rebelle dont le bûcher en brûla les chairs mais glorifia la pensée jusqu'au triomphe, le peuple d'Orbetello veut rappeler le nom en cet institut charitable consacré à la douleur des humbles guéris par la science et l'amour et pas par le miracle ».

La récompense

Le cardinal Robert Bellarmin qui instruisit les procès de Giordano Bruno et de Galilée a été canonisé en 1930 pour des raisons politiques évidentes liées à l’époque : c’était un an seulement après que le ‘‘duce’’ Benito Mussolini, signataire du concordat ‘‘Patti Lateranensi’’, ait offert au Pape, par ces accords du Latran, une pleine et définitive souveraineté sur l’état du Vatican ; Pie XI, bien décidé à soutenir le mieux possible ce dictateur fasciste, l’avait d’ailleurs à cette occasion qualifié d'homme de la providence ( ‘‘Uomo della provvidenza’’ ).  Mais cette canonisation intervenait aussi en réaction à l'érection à Rome d'une statue de Giordano Bruno érigée là par les Francs-maçons.

Un point de vue récent du Vatican :

Le 3 février 2000 à l’occasion du 400ième anniversaire de la mort de Giordano Bruno, le cardinal Poupard, président du conseil pontifical pour la culture organisme qui réhabilita Jan Hus et Galilée a exprimé les regrets de l’Eglise devant les bûchers de l’Inquisition.  Il affirma nettement leur « incompatibilité avec la vérité évangélique ».  Il a également annoncé que le Pape Jean-Paul II demanderait pardon le 12 mars en la basilique Saint-Pierre, lors d’une célébration visant à « recréer le dialogue de l’Eglise avec tous les hommes ».  Cependant il confirma que Bruno ne serait pas réhabilité, même s’il y avait lieu de déplorer l'usage de la force employée contre lui : « La condamnation pour hérésie de Bruno, indépendamment du jugement qu'on veuille porter sur la peine capitale qui lui fut imposée, se présente comme pleinement motivée » déclara le prélat..

Il alla même jusqu’à affirmer que l'église avait tout fait pour ne pas tuer Bruno mais que c'est, au contraire, son attitude à lui, bornée et dogmatique qui a été cause de sa perte  !

Le ‘‘Saint’’-Siège regrettait donc, du bout des lèvres, le bûcher mais maintenait la validité théologique de la condamnation.  Il ne pouvait guères faire autrement puisque l'inquisiteur responsable des condamnations de Bruno et de Galilée, le cardinal R. Bellarmin, avait été béatifié, canonisé et fait Docteur de l’église.  On constate donc que l’église a manifesté quelques repentances certes, mais que celles-ci n'ont pas été jusqu'aux dé-canonisations et dé-béatifications qui s'imposeraient cependant si les repentances étaient sincères et les remords réels.

Autrement dit, si Bruno revenait aujourd’hui, ayant toujours les mêmes convictions, il ne serait plus ostensiblement condamné à mort parce que les mœurs se sont ( un peu ) améliorées mais il serait condamné quand même, car, peut importe à l’église les avancées nouvelles de la science prouvant que c’est elle qui est dans l’erreur, les convictions de Jean-Paul II restent les mêmes que celles de Clément VIIICe n’est pas étonnant qu’il ait le soutien  de tant de ‘‘conservateurs’’  !

Révisionnisme  !

Un certain révisionnisme historique bat son plein en ce moment en Italie, révisionnisme qui naquit en France à la fin du siècle dernier.  Les révisionnistes en arrivent à taxer Bruno de pratiquant occultiste et prétendent que son mythe a été repris par la Franc-maçonnerie italienne au milieu du XIXième siècle.

Faire de Bruno un occultiste rendrait-il moins abominable son assassinat par l'Inquisition dans l'optique vaticane ou alors est-ce que cela n’éviterait pas plutôt d’avoir à se poser trop de questions sur la pertinence des intuitions qui faisaient annoncer à ce philosophe qu’il existe dans le cosmos d’autres mondes habités  ?

A Rome, le 24 juin 2000

Ce jour-là, les Francs-maçons italiens ont commémoré l'anniversaire en se réunissant sur la place des Fleurs ( Campo de’ Fiori ) à Rome, autour de la statue de Giordano Bruno et ils ont allumé là un bûcher symbolique.  Ce ‘‘rassemblement sur la voie publique’’ n'avait été autorisé que quelques jours auparavant et il faut bien dire que, en cette année du Jubilé, cette manifestation en faveur de la liberté de pensée n'était pas en odeur de sainteté.

Alors, qui était Giordano Bruno ?

Avec toutes les précautions qui s’imposent pour tenir compte de la complexité d’un homme dont les souvenirs qui nous arrivent font encore aujourd’hui l’objet de débats et de polémiques passionnés, ne pourrait-on pas énoncer, le concernant, les quelques idées suivantes  ?

1)      Il n'était pas athée ( même si à cette époque l'église appelle ‘‘athées’’ tous ceux qui ne la reconnaissent pas ), mais le nom de Dieu qu’il utilisait ne recouvre-t-il pas le concept de l’infini  ?

2)      Il est le précurseur des rationalistes, bien que cette appellation n’ait pas de sens avant le XVIII siècle. 

3)      Il n'était pas scientifique ( même replacé dans son époque ) et n’a que partiellement compris Copernic.

4)      Il était libre-penseur, si on définit un ‘‘libre-penseur’’ comme : quelqu'un qui pense par lui même ( pour le meilleur ou pour le pire ), qui n'hésite pas à remettre en question, ni les dogmes religieux ou les vérités réputées scientifiques, ni l’ordre social ou l’ordre politique, quelqu'un qui, en réalité, n'est inféodé à la pensée de personne d'autre.

Un petit jeu amusant pourrait consister à se demander ceci : avec quel groupe philosophique Giordano Bruno aurait-il des affinités aujourd’hui  ?

Homme de génie au caractère difficile, prophète de la pensée future, Giordano Bruno eut la malchance de vivre en un temps où l’on brûlait les hérétiquesc’est à dire tous ceux qui avaient la volonté et le courage de penser autre chose que ce que l’église entendait imposer à leur esprit.




BIBLIOGRAPHIE


Giordano Bruno

Sources premières en françaises :

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G. Bruno : Cause, Principe et Unité, tr. fr. E. Namer, Paris, Alcan, 1932, rééd. Les Introuvables, Paris, 1982.

G. Bruno : L'Expulsion de la Bête triomphante, tr. fr. B. Levergeois, Paris, M. de Maule, 1992.

G. Bruno : La Cabale du cheval Pégase, tr. fr. B. Levergeois, Paris, M. de Maule, 1992.

Ouvrages :

Levergeois B., 1995. Giordano Bruno. Fayard, Paris, 571 pages.

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Thuillier P., 1997. Giordano Bruno: martyr de la science ou illuminé ? In: La Revanche des Sorcières. L'irrationnel et la pensée scientifique. Belin, Paris, pp 32-43.

Yates F.A., 1988. Giordano Bruno et la tradition hermétique. Dervy-Livres, Paris, 558 pages.

Articles :

Granada M.A., 1998. Les audaces cosmologiques de Giordano Bruno. La Recherche, HS avril: 12-15.

Lerner L. & Gosselin E., 1987. Galilée et le fantôme de Giordano Bruno. Pour la Science, 111: 62-69.

Pantin I., 1993. Giordano Bruno, l'impardonnable précurseur de Galilée. Sciences et Avenir, 551: 80-84.

Thuillier P., 1988. Martyr de la science ou illuminé ? Le cas Giordano Bruno. La Recherche, 198: 510-514.